Opposition et résistance au changement

  • Opposition et résistance au changement

    Opposition et résistance au changement


    La résistance au changement est à la fois une notion féconde en psychologie et une manière aisée de dédouaner l’intervenant d’une réflexion approfondie sur sa pratique. C’est un thème largement traité, une interrogation sous Google donne 99000 pages traitant de la résistance au changement dans l’Internet francophone en 2006 !

     

     » L’étude du changement sous l’angle de la résistance au changement, a depuis cinquante ans, privé les gestionnaires de plusieurs sources d’interprétation de la réalité. Aucun fondement n’a encore pu être démontré au sujet des résistances au changement, sauf une acceptation presque aveugle de la communauté scientifique à l’égard du phénomène. Il est temps d’aborder la question d’une façon nouvelle, autre que circulaire.  »

     

    Céline BAREIL

     

    Le changement, lorsqu’il est généré dans une organisation impacte : la sphère personnelle (représentations du monde, vécus concernant le changement, émotions), la sphère collective (système d’adaptation, alliances, agitation) et la sphère organisationnelle.
     
     

    Les impacts du changement : l’impact personnel

    Le changement concerne d’abord des personnes, des individus qui vont devoir modifier leur mode de pensée, leur mode d’agir. Le changement déclenche un processus de réorientation psychologique chez les personnes qui vont procéder ou répondre au changement, c’est une expérience personnelle.
     
    Prenons l’exemple du développement des systèmes d’évaluation et de mesure de la performance dans une équipe : chacun des membres de l’équipe va se poser des questions ou avoir des pensées différentes en fonction de son cadre de référence :
     
    - On se demande bien à quoi ça va servir tout ça ?
    - Qui est-ce qui va exploiter ces données, qu’est-ce qu’ils vont en faire ?
    - Comment vont-ils bien pouvoir vérifier la fiabilité des données ?
    - Je ne veux pas qu’on puisse comparer avec d’autres qui ne font pas le même boulot que moi, mon activité n’est pas mesurable !
    - C’est pas à deux ans de la retraite qu’ils vont m’enquiquiner avec leurs inventions !
    - C’est bien un système mis en place par des énarques !
    - Voilà une nouveauté bien intéressante !
     
    Chacun agira de manière différente en fonction du changement proposé : participation, rejet, attentisme par exemple. Chacun, avec son propre cadre de référence, sa manière de comprendre et d’appréhender le monde, va créer sa propre vision du changement envisagé, évaluer sa pertinence et avoir ou non envie d’y participer. Même si la personne accepte le changement, le reconnaît comme utile, elle devra cependant faire face à l’incertitude, aux nouvelles compétences à acquérir, tout ceci générant des turbulences dans sa vie professionnelle. Pour qu’elle mette en œuvre le changement, non dans une position passive, mais dans une position active, elle doit s’approprier le changement.
     
    La résistance au changement chez un individu repose sur la recherche de la stabilité et de l’ordre, le changement signifie souvent l’incertitude et la perturbation de l’équilibre connu. Tout changement génère de la résistance. Il est souvent plus facile de conserver une organisation connue, même dysfonctionnelle que d’affronter la période de turbulence annoncée par la mise en place du changement.
     
     

    Les impacts du changement : l’impact collectif

    Pour se positionner, la personne – qui a pu élaborer son propre jugement personnel sur le changement – va s’interroger sur ce que son entourage perçoit du changement et sur les réponses qu’il y apporte. Beaucoup de personnes préféreront revenir sur leur propre représentation, plutôt que de se mettre en porte à faux par rapport à leur environnement immédiat, leurs pairs. De plus, certains, bien que favorables au changement, prendront le contre-pied de leur idée pour respecter un engagement idéologique, ils opteront pour les comportements les plus acceptables par leur groupe d’appartenance. Les groupes disposent de normes, de rites, de stéréotypes qui vont influer sur la vie des individus, ils peuvent générer une puissante tendance au conformisme.
     
    Ainsi, pour Michel Crozier et Erhard Friedberg, la conduite du changement passe par l’apprentissage collectif de nouvelles manières de raisonner et de coopérer indispensables pour contrer la rigidité organisationnelle (Crozier (M), Friedberg (E), l’Acteur et le système, Seuil, 1977). Le changement n’est pas naturel, il ne devient possible que dans le cas où les acteurs ensemble font évoluer leurs représentations dans une direction favorable, ceci nécessitant du temps, des réflexions communes, de la formation et des échanges d’information.
     
    La constitution d’une représentation commune peut prendre comme support les trois axes porteurs tels que nous les définissons, à savoir : l’éthique, l’efficience, l’émergence.
     
    Il peut être utile de se poser collectivement les questions amenant à percevoir l’évolution en terme :
     
    - d’éthique, de valeurs sous-tendant le changement : en quoi le changement prévu affecte-t-il ou permet-il d’améliorer la situation, de sortir de la crise, de mieux respecter les engagements envers les clients, le développement de l’organisme, ses salariés, ses actionnaires, ses administrateurs ; s’agit-il de survie, de développement, de gains financiers ? en quoi s’intègre-t-il dans la vision d’avenir de l’organisme ?
     
    -d’efficience : en quoi le changement affecte-t-il ou permet-il de développer la culture technique de l’organisme, d’améliorer ses produits ou services, de simplifier les processus, d’améliorer son efficacité, de mieux gérer les ressources ; en quoi va-t-il simplifier les modes de fonctionnement et de prise de décision, les rendre plus fluides, plus adaptables, plus réactifs ?
     
    -d’émergence : en quoi le changement permet-il de développer les compétences, la qualité de vie au travail, les relations, les modes de management, l’épanouissement de chaque acteur ?
     
    D’autre part, les changements organisationnels ont des retentissements sur les équipes, les services, les structures : modification des modalités de prise de décision, modification des droits et devoirs des structures, disparition ou création de services… qui tous peuvent induire une défense de l’existant par les structures concernées. Tout système structuré est en permanence dans la contradiction entre souhait de croissance, de développement et attitude de repli sur soi.
     
     

    Les impacts du changement : l’impact organisationnel

    C’est sans doute des trois dimensions du changement la plus facile à prendre en compte et donc celle sur laquelle les dirigeants s’appuient pour la mise en œuvre des changements prescrits. Elle couvre les aspects techniques et répond à la question comment structurer l’organisme pour atteindre ses objectifs. Elle prend en compte les 5 phases de l’innovation :
     
    - la conception de la nouvelle manière de produire, de s’organiser, de prendre en compte les besoins de ses clients,
    - l’expérimentation de ces nouvelles techniques, méthodes ou méthodes de pensée,
    - l’évaluation des résultats obtenus,
    - l’évolution et l’ajustement du système construit aux enjeux,
    - l’intégration dans les modes de fonction standard, dans le système documentaire, les procédures, la culture technique et l’étiquette de l’organisme. [Pour Eric Berne : ‘l’étiquette est constituée des règles spéciales, particulières à chaque groupe, destinées à renforcer le contrat social’. Structure et dynamique des organisations et des groupes. Editions d’AT. Lyon 2005]
     
     

    Résistance au changement et opposition

    La résistance au changement apparaît comme une manifestation non consciente de la non envie de changer, chaque personne, chaque groupe oscille en permanence entre l’envie d’évoluer et l’envie de stabilité. La résistance au changement ainsi conçue constitue la force qui conduit au maintien de la stabilité.L’opposition quant à elle, est la manifestation de l’écart entre le cadre de référence de la personne qui nomme la difficulté, induit le changement, décide des orientations et le cadre de référence de la personne qui y est confronté. L’opposition peut être constructive ou non. Il n’y a bien évidemment, pas qu’une façon de construire l’avenir, pas qu’une manière d’être performant ou heureux.
     
    Quelquefois le manager – vis-à-vis de son équipe – ; le coach – vis-à-vis de son client – peuvent partir du principe (non conscient la plupart du temps) que leur vision de l’avenir est bonne, voire qu’elle est la seule possible. Les ‘retours’ des personnes concernées par le changement seront donc indispensables pour qu’ils puissent comprendre et traiter ses implications sur les individus : perte de sécurité (la nouvelle manière de travailler n’est peut-être pas encore rodée), perte de statut, contraintes nouvelles, remise en cause de l’expérience, possibilité d’être acteur du changement ou impression de le subir.
     
    L’efficacité de l’accompagnement reposera en grande partie sur la capacité du manager ou du coach à percevoir le retentissement du changement annoncé sur les individus.
     
    Le coach aura ainsi à être attentif à la vitesse de changement proposé, aux implications du changement sur la position du coaché :
     
    - lorsque le changement de comportements, d’attitudes du coaché n’est pas acceptable pour son environnement ;
     
    - lorsque les nouveaux comportements remettent en cause les choix de vie antérieurs ;
     
    - lorsque la nouvelle construction de la réalité monde vient contredire un système de croyance qui a construit la personnalité sociale du coaché.
     
     
    Dans ces trois cas, on pourra parler de résistance au changement.
     
    L’opposition a deux sources : soit le rejet de la figure d’autorité dans une dynamique rebelle – dans ce cas, le coach est perçu comme donneur de leçons et il pourra identifier avec son client la teneur du contrat caché de celui-ci, puis vérifier qu’il n’a pas été trop loin dans le domaine du conseil ; soit l’incompatibilité de deux définitions du monde, de la situation – dans ce cas, le coach est perçu comme ne comprenant pas la situation et il sera amené à prendre le temps de comprendre la vision du monde du client, de voir en quoi il la partage et ce qui les différencie.
     
    Ces temps d’échanges permettront à chacun de développer son autonomie.
     
    Daniel Chernet
    Coach
    facilitateur du travail d’équipes
    Formateur et Superviseur de coachs
    2006 – MAJ 2016
     
     
     

    Pour aller plus loin

    1- LA RÉSISTANCE AU CHANGEMENT : SYNTHÈSE ET CRITIQUE DES ÉCRITS – Cahier produit par Céline BAREIL, professeure agrégée, service de l’enseignement du management, HEC Montréal. Cahier no 04-10 – Août 2004

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